TECHNIQUE DU PEUPLE ANNAMITE – Introduction à la collection

2.1. NOMS DE L’AUTEUR, DE L’OEUVRE & FORMES D’ÉDITION

   2.1.1 C’est un ouvrage de recherche d’Henri Oger intitulé “Technique du peuple annamite“, comprenamt des documents recueillis dans les régions centrales du Nord-Vietnam dans les années 19081909.

     2.1.2 L’ensemble de l’ouvrage se présente sous deux formes :

     a. Un recueil intitulé “Introduction générale à l’étude de la technique du Peuple annamite” (1) – Un Essai sur la vie matérielle, les arts et industries du Peuple d’Annam” – Geuthner, Libraire-Éditeur; Jouve & Cie , Imprimeurs – Editeurs.

     b. Un album composé de 4.000 estampes par gravures sur bois intitulé Technique du Peuple Annamite” (2) qu’Henri Oger appelle une “Encyclopédie de tous les instruments, ustensiles, de tous les gestes de la vie et métiers du Peuple Annamite Tonkinois” – Journal quotidien de l’Indochine française – 114, rue Jules Ferry, Hanoi.

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(1) HENRI OGER – Introduction générale à l’étude de la technique du Peuple Annamite – Essai sur la vie matérielle, les arts et industries du Peuple d’Annam – Geuthner, Librairie Éditeur Jouve Cie Imprimeurs – éditeurs – Paris.

(2) HENRI OGER – Technique du Peuple Annamite – Encyclopédie de tous les instruments, ustensiles, de tous les gestes de la vie et métiers du Peuple Annamite Tonkinois – Journal quotidien de l’Indochine française – 114 Rue Jules Ferry, Hà Nội.

Image 15:INTRODUCTION GÉNÉRALE À L’ÉTUDE DE LA
TECHNIQUE DU PEUPLE ANNAMITE d’HENRI  OGER

2.2 À PROPOS DU RECUEIL “INTRODUCTION GÉNÉRALE À L’ÉTUDE DE LA TECHNIQUE DU PEUPLE ANNAMITE” (Image.15)

     2.2.1 C’est un ouvrage écrit en français par Henri Oger et publié à Paris en 200 exemplaires de 159 pages chacun (Oger s’est trompé dans le numérotage des pages. En réalité, il n’y a que 156 pages). L’ouvrage comprend 32 images d’illustration, 79 pages parlant de la méthode de travail de l’auteur, de la présentation de l’ouvrage et de son édition, d’un certain nombre de métiers des autochtones et de leurs activités journalières ; 30 pages sont consacrées à une bibliographie sur la technique générale et la technique chinoise , sur les jeux et les jouets (image.16); 40 pages servent aux annotations sur la signification des dessins illustrant chaque page de l’album et au sommaire de l’ouvrage.

Image.16: JEU DU TIGRE ATTRAPANT LE PORC
(Les enfants forment un cercle dans lequel l’un mime le porc et un autre, le tigre)

     2.2.2 Dans la présentation des métiers – un des principaux contenus de l’ouvrage – Henri Oger a décrit un certain nombre de métiers comme la laquerie, la broderie, l’incrustation de nacre sur du bois, la sculpture sur bois, la papeterie et d’autres métiers qu’Henri Oger range parmi ceux relatifs au papier tels que la fabrication des parasols et des éventails, les dessins colorés et l’imprimerie. Ensuite, Henri Oger parle d’un certain nombre d’ “industries locales” comme la construction des maisons, le transport, le tissage, (image.17) la couture, la teinture, l’industrie alimentaire, la transformation du riz en aliments divers, la minoterie, la pêche et même la fabrication du tabac…

Image 17: TISSAGE DE LA TOILE

     2.2.3 Parlant des métiers locaux, Henri Oger s’est appliqué à observer les techniques, à noter chaque action, chaque geste, chaque sorte d’instrument, à faire des remarques sur les matières utilisées, leur qualité, les sujets, les conditions de travail, l’écoulement des produits et à comparer les produits avec ceux du Japon, de la Chine … Bref, Henri Oger a réussi à faire un classement général des  nombreux métiers artisanaux de l’époque selon sa propre vision , non dénuée de subjectivité, pour arriver à une appréciation globale visant à servir la politique de domination française. Lisons par exemple les quelques descriptions suivantes:

     a. “Beaucoup d’observateurs ayant vécu en Annam ont maintes fois écrit dans leurs carnets de voyage que l’industrie est quasi absente et insignifiante en Annam. Ils ont affirmé que nous (c’est- à- dire la France) ne devons pas sous-estimer la contribution des artisans autochtone dans l’essor économique que nous voulons introduire dans ce pays”.

     b. Henri Ogera remarqué: “Les paysans vietnamiens ne travaillent pas péniblement toute l’année, mais disposent toujours de longues périodes de loisir. C’est pendant ces périodes qu’ils deviennent membres des corporations professionnelles (image 18) et les produits obtenus apportent un complément d’argent que la culture du riz , surtout du riz indochinois,  ne peut pas leur procurer”.

Image 18: CORPORATION DES LAQUEURS

     c. Qu’est-ce qu’une corporation professionnelle? Selon Henri Oger: “Une corporation professionnelle se définit par deux activités principales: les artisans travaillent chez eux pour un même patron qui collecte ce qu’ils ont produit”.

     d. Dans un autre paragraphe, Henri Oger a écrit:

      “Le Vietnam est un pays qui produit beaucoup de peinture, et la peinture est extrêmement bon marché, surtout au Nord, aussi tous les objets d’usage courant sont-ils recouverts de peinture; d’autre part, c’est aussi un moyen de lutter contre le climat rigoureux qui détériore rapidement les objets en bois (image 19). Non seulement la peinture est produite en quantité suffisante pour les besoins du pays, mais on en produit encore davantage pour vendre aux gros négociants cantonais qui l’importent dans leur pays”.

Image 19: OBJETS LAQUÉS

     e. Jugeant les produits de laquerie vietnamiens de l’époque, Henri Oger estime que “la technique vietnamienne de laquerie n’est pas aussi raffinée et adroite que celle des Japonais. Au Vietnam, on ne fait que revêtir d’une couche de peinture de qualité spéciale les objets en bambou ou en bois soigneusement polis et dont les défauts ont été bouchés avec de l’argile fine, afin de les vendre à des clients pauvres. Les objets revêtus de cette sorte de laque sont souvent cloqués et collants”.

     f. Abordant les motifs de décoration, Oger pense que les laqueurs ne les empruntent qu’aux “symboles sino-vietnamiens”, tout comme les brodeurs . “Il possède chez lui tout un lot de motifs introduits de Chine et qu’il combine souvent de façon maladroite”. Finalement, Oger est d’avis que les artisans vietnamiens ne se donnent pas la peine de rechercher de nouveaux motifs. “De père en fils, on ne fait que se léguer des lots de motifs qu’un dessinateur quelconque a réalisés sur commande”.

      Dans un autre paragraphe, on voit Oger s’intéresser aux diverses sortes d’outils et à leurs manipulations .

     g. “Le cadre de broderie, instrument populaire, est un cadre rectangulaire en bambou (image 20). Ce cadre, posé sur deux longs tabourets,s’y maintient par son propre poids et la pièce de soie sera placé à l’intérieur du cadre. Elle est maintenue fortement tendue par des ficelles enroulées autour des tiges de bambou formant le cadre. Le motif de broderie est dessiné d’avance sur une feuille de papier annamite, sorte de papier très léger et très fin qui est placé sur un support horizontal en bambou .Au-dessus, on place ensuite une feuille de papier chinois translucide laquelle sera plus tard posée sur la pièce de soie. Avec un pinceau, le brodeur recopie exactement le motif.

      Dans la partie traitant des fabriquants annamites de peintures folkloriques, nous (c’est-à-dire les Français) retrouverons cette méthode ingénieuse qui permet de reproduire un dessin à l’infini”.

Image 20: UN CADRE DE BRODERIE

     h. Le travail du brodeur (image 21) exige plus de patience et de dextérité que d’intelligence, aussi engage-t-on généralement des jeunes gens et jeunes filles, voire souvent des enfants. Le travail consiste à reproduire les traits du dessin avec des fils de différentes couleurs. Le brodeur s’assied devant le cadre de broderie sous lequel il étend ses jambes. Il tient son aiguille verticalement par rapport à la pièce de soie et tire fortement sur le fil afin qu’il ne soit desserré à aucun endroit.

Image 21: UN BRODEUR

      C’est ainsi que la broderie peut être conservée longtemps en bonne condition. À côté du brodeur, il y a une lampe car il doit souvent travailler la nuit durant pour satisfaire les nombreuses commandes. Cette lampe (image 22) est fabriquée avec un encrier de deux sous rempli d’huile dans laquelle trempe une mèche. C’est sous cette lumière vacillante et dans une atmosphère fumeuse et malodorante que travaille le brodeur annamite, aussi est-il facile à comprendre pourquoi peu de personnes âgées font ce travail alors qu’elles sont souvent engagées dans d’autres métiers annamites.

Image 22: LAMPE FABRIQUÉE AVEC UN ENCRIER (coutant 2 sous)

2.3 À PROPOS DE L’ALBUM “TECHNIQUE DU PEUPLE ANNAMITE” (Image 23)

     2.3.1 Etude statistique sur le nombre des estampes et sur leur lieux de conservation

     a. Le nombre total des estampes que nous avons collectées s’élève à 4.577 (1) dont 2.529 représentent des gens et des paysages; les femmes sont présentes dans 1.049 de ces dernière;  2.048 représentent des objets d’usage courant et des outils de production.

      b. La collection conservée à la Bibliothèque nationale de Hanoi comporte 7 tomes aux images régulièrement encadrées et portant le numéro de code HG18 – L’ancien numéro de code donné à cette collection par la Bibliothèque centrale de Hanoi était G5- À la Bibliothèque nationale de Hanoi, cette collection a été photographiée en avril 1979 sur un microfilm de 40,70m de long portant le numéro de code SN/805.

     Une autre collection est conservée à la Bibliothèque générale des Sciences de Hochiminh-Ville – anciennement Bibliothèque du Palais du Gouverneur de la Cochinchine – numéro de code: 10511 – reliée en deux tomes et microfilmée pour la deuxième fois en 1975.

     À l’origine, cette deuxième collection comprenait 10 tomes et l’Institut d’Archéologie l’a fait microfilmer  par la Compagnie cinématographique Alpha le 24 mai 1962 sous le numéro de code 92/VAPNHY (2). Malheureusement, dans ce microfilm, la page 94 manque et la page 95 est reproduite deux fois (par faute technique) .

     –  Ce volume est celui conservé à la Bibliothèque nationale de Hanoi. Il est à remarquer qu’en haut, à droite de la première page se trouve une dédicace d’Henri Oger au Gouverneur général Sarraut:

   “À Monsieur le Gouverneur général Sarraut en hommage respectueux pour le bienveillant intérêt qu’il veut bien apporter à mes études. Vinh, le … Mars 1912. Henri Oger”.

Image 23

     c. Il existe aussi un livret séparé avec le numéro de code HE 18a, comportant les 120 premières pages (d’une série incomplète) et dont le microfilm de 5,5m porte le numéro de code SN/495. Ce volume porte le cachet de la Bibliothèque centrale de l’Indochine avec le numéro 17924.

     d. Nous n’avons pas eu l’occasion de faire des recherches en d’autres endroits, surtout à Paris, mais récemment, Monsieur Pierre Huard (4) a confirmé comme suit:

      “Cet ouvrage publié au Vietnam n’a fait l’objet d’aucune formalité de dépôt légal, aussi n’en existe-t-il aucun exemplaire déposé à la Bibliothèque nationale de Paris. Il est inimaginable que je ne puisse en trouver un seul exemplaire dans toutes les bibliothèques de Paris. Mais grâce à la compréhension des autorités  vietnamiennes (de l’ancien régime de Saigon), j’ai pu obtenir des photocopies de l’original portant le numéro de code 10511 de la Bibliothèque du Palais du Gouverneur de la Cochinchine .

      Si l’Ecole française d’Extrême-Orient possède aussi des copies, c’est grâce au Service de photographie du Département central de documentation du C.N.R.S. ”

     Cette oeuvre d’Henri Oger comporte de petites estampes par gravure sur bois et imprimées sur du papier de riz de grand format (65 x 42) . Elle comprend 700 pages  dont l’arrangement n’obéit à auncun système ni ordre. Chaque page comporte environ 6 estampes numérotées à la fois en chiffres romains et chinois mais ne suivant aucun système. Le nombre d’exemplaires édités  est très restreint : 15 exemplaires et un livret incomplet. Chaque exemplaire comprend 7, 8 ou 10 livrets reliés ensemble. Actuellement, on ne trouve au Vietnam que 2  exemplaires et un livret séparé (5).

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(1)  Nous avons éliminé les duplicatas et les estampes  trop petites et trop simplifiées représentant des outils non identifiables .

(2)  a. À ce que nous sachions, un chercheur culturel, Monsieur Phan Huy Thúy, ex-cadre dirigeant de l’Institut d’Archéologie de Saigon, a envoyé ce microfilm aux Etats-Unis (vers 1972) pour en faire des copies . Comme les couts  s’avèrent trop élevés, le projet de fournir à chaque école professionnelle et école d’art une copie du microfilm a du être abandonné. Seule l’Université Vạn Hạnh a fait développer ce microfilm en photos de grand et petit formats pour les envoyer à des experts au Vietnam et à l’étranger . Le chercheur Nguyễn Đôn a eu très tôt connaissance de ce microfilm.

     b. À Paris, des chercheurs de renom comme Messieurs Hoàng Xuân Hãn, Nguyễn Trần Huân, Pierre Huard ont probablement eu en main le microfilm dont nous parlons.

(4)  PIERRE HUARD est un orientaliste , co-auteur avec Maurice Durand du célèbre ouvrage “Connaissance du Vietnam” publié en 1954 à Hanoi. PIERRE HUARD – Le pionnier de la technologie vietnamienne – Henri Oger – B.E.F.E.O. – T.L VII 1970, page 215, 317.

(5) Nous avons été en contact avec ces deux exemplaires dans deux grandes bibliothèques: la Bibliothèque nationale de Hanoi (en 1985) et la Bibliothèque nationale de Saigon (en 1962) . Ce dernier exemplaire est encore conservé à la Bibliothèque générale des Sciences de Hochiminh-Ville (nous l’y avons revu en 1984) .

2.3.2     CLASSIFICATION EN GROUPES DE THÈMES ( selon H.Oger)

     a. Henri Oger a divisé son album en quatre principaux groupes de thèmes: les trois premiers se rapportent à trois sortes d’industrie (vie matérielle) et le dernier, à la vie privée et publique (vie spirituelle) .

1. L’industrie exploitant les matières premières dans la nature.

2. L’industrie transformant les matières tirées de la nature.

3. L’industrie mettant en usage les produits finis.

4. La vie privée et publique.

     b. En ce qui concerne l’industrie exploitant les matières premières dans la nature, Oger a rassemblé 26 estampes (1) et les ont ensuite classées en 5 petits groupes parmi lesquels  l’agriculture compte le plus grand nombre de dessins, puis viennent le transport, la cueillette, la chasse (image 24) et la pêche.

      Autrefois, l’agriculture était la principale occupation des paysans. L’élevage , dont celui des canards, n’était qu’un métier secondaire . Cependant, l’élevage en pleine nature des troupeaux de canards ne se faisait que dans les régions de plaines ou de plateaux et pas en montagne où n’existent pas de rizières .

      Pour élever en pleine nature un troupeau de canards, il faut un gardien. Dès que les canetons sont devenus canards, le gardien doit les mener aux champs pour qu’ils ramassent les  grains de riz tombés par terre pendant la moisson ou pour qu’ils attrapent les petites crevettes, les petits crabes  dans des rizières où ne restent que des pieds de plants de riz après la moisson  (Mois de mai, de juin)

     Si le champ est loin de la ferme ou si l’on veut élever des canes  pondeuses, le gardien de canards choisit un large talus pour les enfermer dans un enclos et dresse une cahute  où il s’abrite pour les surveiller. Le jour, il ramasse les  oeufs et le soir il ramène les canards  à la ferme. Un simple paysan peut élever un troupeau de deux  ou trois cents canards. Au Sud-Vietnam, sous la domination française, Long An est la province où l’on élève beaucoup de canards, c’est pourquoi les  Français la surnommaient “le paradis des canards”.

Image 24

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(1)  Ces chiffres proviennent de nos études statistiques.